Terres Fauves de Patrice Gain – Mon avis
Rédigé le 23 août 2018 ~ Coup de coeur Inside !
Premières phrases du livre :
Je n’aime pas les carrefours. Ces routes qui se croisent et se ressemblent tant. Leur antagonisme m’oppresse. Je préfère les longues lignes droites. J’aime quand le temps passe sans faire de vague. Les pires sont ceux qui orchestrent la circulation des campagnes à coup de pancartes rouillées et de destinations hasardeuses. Celui qui se dessinait dans la lueur blanche des phares de ma voiture était un modèle du genre : criblés de balles, les panneaux étaient illisibles et n’apportaient aucune indication probante si ce n’est sur l’état de désœuvrement des populations locales.
Pourquoi ce livre ?
Patrice Gain est l’auteur du sublime « Denali » et du succulent « La naufragée du lac des dents blanches« . Alors quand celui-ci, il y a plusieurs mois, m’a laissé entendre que son prochain roman se déroulerait en Alaska, vous imaginez bien que j’avais hâte de le lire ! Et il est enfin là. Je suis d’ailleurs très reconnaissante envers la maison d’édition « le mot et le reste », car j’ai eu l’honneur d’être la toute première lectrice de « Terres fauves ».
Davis McCae est un écrivain new-yorkais, un citadin pur et dur. Ne lui parlez pas de nature, cela lui file des boutons. Et pourtant, son éditeur va l’envoyer en Alaska pour ajouter un nouveau chapitre au livre sur le gouverneur Kearny qu’il est en train d’écrire (à la demande de celui-ci, qui espère que l’ouvrage contribuera à sa réélection). Lors de ce voyage, il doit interviewer Dick Carslon, un célèbre alpiniste et ami du gouverneur. Tous deux ont effectué l’ascension du plus haut sommet des États-Unis.
David part donc à Valdez rencontrer Dick, et tout ce que je peux vous dire, c’est que son séjour ne va pas se dérouler comme il l’avait prévu, ni même imaginé dans son pire cauchemar.
P19 « L’Alaska est le dernier endroit après l’enfer où j’avais envie de mettre les pieds et de surcroît je détestais prendre l’avion »
Je ne vous raconte pas mon état d’excitation à l’idée d’enfin pouvoir vous parler de « Terres Fauves », car je peux enfin vous dire que cette lecture a été un immense coup de cœur !
Il y a bien longtemps qu’il ne m’était pas arrivé de prendre autant un personnage de roman en affection.
J’ai eu pitié de David pendant les 200 pages du livre. Je n’arrêtais pas de me dire : le pauvre… 🙂 ( Promis, je me soigne).
P46 « il y avait là toute la quintessence de ce qui m’angoissait ; le genre d’endroit où le voisin le plus proche est le Bon Dieu »
Pendant la première partie du roman, qu’est-ce que j’ai pu envier le personnage ! Fairbanks, Whitehorse, Valdez ! Que des endroits qui me font rêver. Je lui disais : mais arrête de râler contre cette magnifique nature sauvage et ses paysages à couper le souffle, profite. Puis au milieu du livre, l’histoire bascule et là tu te dis, mais WTF ! Une scène terrible et hallucinante — que j’ai relue 2 fois pour être sûre de ce que je venais de lire — m’a fait me demander pourquoi l’auteur s’acharnait autant sur ce pauvre David.
P57 » Les deux hydravions ont glissé sur les eaux calmes de la baie avant de prendre lentement de l’altitude. Quelques minutes après ils avaient disparu. Je me suis assis sur le ponton et j’ai attendu. Une angoisse sourde me serrait déjà le ventre. Je calculais mentalement le temps nécessaire pour faire l’aller-retour à Valdez et décharger le matériel. Je me disais que dans une petite heure l’hélicoptère serait de retour […] Quand le soleil est passé derrière les sommets et que les eaux de la baie sont devenues noires, j’ai compris que personne ne reviendrait me chercher “
P92 « Mon dernier espoir était de me réveiller »
L’écriture de Patrice Gain est terriblement addictive et immersive. Il vous sera impossible de lâcher cette histoire avant la fin. La description des paysages va vous projeter à des milliers de kilomètres, un aller simple pour Valdez sans bouger de chez vous (et cela vaut mieux, croyez-moi).
Je ne sais pas pourquoi, mais dès la première phrase, l’auteur m’a embarquée avec lui : « Je n’aime pas les carrefours ». Cette phrase m’a hypnotisée. Un état de fait qui a perduré pendant 200 pages, car tout le reste de l’histoire n’a été qu’explosion de sentiments. 200 pages où rien n’est en trop, 200 pages de pur bonheur littéraire.
Je suis vraiment passée par toutes sortes d’émotions lors de ma lecture. J’ai été surprise, stupéfaite, choquée, horrifiée mais j’ai aussi ri et été émue dans les dernières pages de l’ouvrage.
J’ai ri car l’aversion qu’a le personnage pour la nature est décrite avec humour. C’est un délice de le voir « subir » ces immensités sauvages.
On retrouve dans Terres fauves deux thèmes déjà présents dans son précédent roman : celui de l’alpinisme (une des passions de l’auteur), mais aussi l’image du père.
J’ai adoré les petites références ici et là à Steinbeck (un auteur que j’aime énormément) et particulièrement à son roman culte « Des souris et des hommes ». Patrice a même donné vie à son Lennie à lui.
Avec Denali, l’auteur avait mis la barre haute en s’appropriant les codes de la littérature américaine des grands espaces. Avec Terres fauves, il entraîne le lecteur dans une lutte pour la survie dont peu sortiront indemnes.
Un livre drôle, terrible et émouvant. Un livre que vous devez absolument lire, Parole de Chinouk !
Par contre, voilà quelques petites recommandations avant d’entamer votre lecture de « Terres Fauves »: prévoyez quelques heures où vous ne serez plus disponible pour personne. Débranchez votre téléphone, faites-vous un bon thé/café/chocolat chaud et profitez du voyage !
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Terres Fauves de Patrice Gain – Mon avis est publié dans la catégorie Lectures francophones avec le(s) Thème(s) : coup de coeur, Le mot et le reste, Nature Writing
Et bien ça donne envie ! je rajoute d’emblée ce livre à ma liste d’envies ! 200 pages c’est court par contre, non ? (d’ordinaire je préfère les livres plus longs)
j’aime aussi les romans plus long en général, mais là pas de problème. Rien n’est en trop, rien n’est en moins ! juste parfait/